En cas d’urgence à bord, laisser sa valise derrière soi n’est pas qu’un conseil poli : c’est (potentiellement) un geste qui sauve des vies. Pourtant, ce réflexe peine à entrer dans les mœurs des passagers, ce qui pousse la Federal Aviation Administration (FAA) américaine à tirer une nouvelle fois la sonnette d’alarme. Passons en revue ce rappel à l’ordre qui pourrait bien, un jour, vous concerner personnellement…
Pourquoi la FAA lance-t-elle l’alerte ?
Le 16 septembre 2025, la FAA a publié une nouvelle Safety Alert for Operators (SAFO 25003), intitulée de façon aussi limpide qu’implacable : « Adresser le risque associé au non-respect par les passagers de l’interdiction d’emporter leurs bagages à main et objets personnels lors d’évacuation d’urgence ». Ce document fait suite à une série d’incidents où des passagers, pris dans la tourmente, ont tout de même tenté de sauver leurs effets personnels. Résultat : évacuation ralentie, toboggans d’urgence parfois endommagés… Tout pour faire gagner du temps au danger, pas aux humains.
Et le problème ne faiblit pas. Dans un communiqué en date du 19 septembre, la FAA alerte : il est temps pour les compagnies de revoir leurs actions, du discours à la formation du personnel. L’enjeu est limpide : renforcer l’efficacité, la clarté et la fermeté des messages à tous les niveaux. Pourquoi ? Parce que, d’après de nombreux rapports, ce comportement augmente de façon significative les risques de :
- Couloirs bloqués
- Chutes fréquentes
- Retards dans l’évacuation par rapport au temps de survie disponible
- Augmentation du nombre de blessures et de décès
Oui, tout ça pour une valise à roulettes ou un sac qui semblait pourtant si inoffensif…
Des recommandations, pas un coup de massue réglementaire
La FAA insiste toutefois sur un détail crucial : cette nouvelle alerte n’a pas de valeur de réglementation contraignante. Les SAFO sont des recommandations de la Flight Standards Service qui servent avant tout de levier auprès des compagnies, les inspecteurs s’en servant pour insister sur de nécessaires évolutions.
Dans les semaines à venir, les transporteurs aériens devraient s’adapter, en révisant plusieurs points essentiels :
- Actualiser les démonstrations de sécurité à bord et le contenu des cartes de consignes
- Harmoniser les annonces, qu’elles soient préenregistrées ou délivrées par l’équipage
- Intégrer régulièrement, dans les simulations d’évacuation, des scénarios où les passagers essaient de prendre leurs bagages
- S’assurer que les briefings aux issues de secours sont toujours rendus efficaces et systématiques
Les compagnies sont également encouragées à dépasser le simple cadre de la cabine, en informant les passagers dès l’aéroport, avec :
- Affichages dédiés
- Vidéos pédagogiques
- Pictogrammes universels
- Slogans percutants, par exemple : « Pour la sécurité de tous, laissez vos bagages »
Un danger bien réel, et mondial
L’avertissement de la FAA n’est pas un énième message pour remplir le vide, loin de là. Les faits parlent d’eux-mêmes : le comportement des passagers lors d’évacuations d’urgence préoccupe bien au-delà des frontières américaines. L’exemple tragique de l’évacuation du Sukhoï Superjet à Moscou-Cheremetievo en 2019 (41 morts, des passagers photographiés valise en main) a remis au goût du jour les débats sur l’efficacité — ou non — des consignes de sécurité. Et ce genre d’accident a aussi été documenté aux États-Unis, en Europe, en Asie… La tendance n’a donc rien de localisé.
Or, chaque seconde compte : selon la réglementation internationale de l’OACI, la totalité d’un avion doit pouvoir être évacuée en 90 secondes, avec seulement la moitié des issues utilisables ! Facile en théorie, mais en pratique, ce délai est rarement respecté. Le stress, la panique et… ceux qui cherchent leurs bagages : tous contribuent à rendre l’objectif de 90 secondes souvent illusoire.
Si l’on s’imagine résoudre le problème simplement, la réalité aérienne est moins accommodante. Et le risque d’accidents grave augmente avec des facteurs inattendus, comme ces batteries au lithium qui pourraient prendre feu dans un coffre à bagage inaccessible au mauvais moment…
Quelles solutions mettre en œuvre ?
La question des bagages lors d’une évacuation d’urgence suscite les débats. Certains évoquent la possibilité de rappeler systématiquement les sanctions possibles (en France, par exemple : un an de prison, 15 000 € d’amende pour mise en danger de la vie d’autrui), ou de garantir le remboursement de tous les biens en cas d’incident afin d’ôter aux passagers la tentation de jouer les sauveteurs de valises. D’autres proposent de former à l’utilisation d’une petite sacoche d’urgence ne gênant pas l’évacuation.
Mais la recette miracle n’existe pas. La seule certitude : les messages doivent être clairs, répétés, illustrés, et ne souffrir aucun flou. Certaines compagnies, comme Air France, annoncent déjà systématiquement ces mesures, mais la vigilance collective reste de mise.
Conclusion : en vol, chaque décision compte. À la question « dois-je vraiment laisser mon bagage ? », la réponse vaut plus que le prix d’un smartphone ou d’un pull préféré : elle peut sauver des vies — dont la vôtre, et celles autour de vous. La prochaine fois que le personnel de bord tape dans ses mains pour le rappeler, prenez-le vraiment au sérieux !