La lutte entre Meta et les médias espagnols à propos de la publicité numérique vient de franchir une ligne que personne n’avait franchie jusqu’à présent. UN tribunal de commerce de Madrid a condamné la société mère de Facebook et Instagram à verser 479 millions d’euros à 87 éditeurs de presse numérique et agences de presse en raison d’une concurrence déloyale sur le marché publicitaire, en s’appuyant sur l’utilisation irrégulière de données personnelles pour vendre des publicités avec un avantage sur leurs concurrents.
L’origine de l’affaire : des données personnelles transformées en avantage publicitaire
La demande émanait d’un grand groupe de médias, canalisée par leurs associations, qui Ils réclamaient plus de 550 millions d’euros. Le juge n’atteint pas ce chiffre, mais il assume l’idée centrale : Meta aurait bâti une partie de son activité publicitaire en Espagne sur un traitement de données non conforme à la Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD)et cela lui aurait permis de proposer un produit publicitaire que les médias ne pourraient égaler sans enfreindre les règles.
Le tournant clé se situe en 2018, avec l’entrée en vigueur du RGPD. Au lieu de compter sur le consentement explicite de l’utilisateur, Meta a ensuite justifié une bonne partie du traitement des données dans « l’exécution du contrat ».une figure juridique beaucoup plus discutable lorsqu’elle est appliquée à la publicité personnalisée. Le juge a considéré que cette base légale n’était pas valable pour utiliser les informations des utilisateurs à des fins commerciales aussi invasives et que, par conséquent, la segmentation publicitaire basée sur ces données était illicite.
Cette capacité à concevoir des campagnes hyper-segmentées (savoir qui est qui, ce qu’ils font et ce qui les intéresse) aurait donné à Facebook et Instagram plusieurs longueurs d’avance sur les médias numériques, contraints d’adhérer à des interprétations plus strictes du RGPD. C’est là que réside le cœur du conflit.: L’avantage ne vient pas seulement de l’échelle ou de la technologie, mais aussi du fait de ne pas respecter les mêmes règles.
Article 15 de la loi sur la concurrence déloyale : quand enfreindre la loi coûte cher
Pour entretenir la conviction, Le juge s’appuie sur l’article 15.1 de la loi sur la concurrence déloyalece qui est considéré comme déloyal consistant à obtenir un avantage concurrentiel en violant des réglementations impératives. Le RGPD passe ainsi d’un problème de confidentialité à un élément clé du droit de la concurrence : si vous gagnez des parts de marché en enfreignant la loi, les dommages ont un impact direct sur vos concurrents.
En pratique, l’arrêt conclut que les médias numériques et les agences de presse ont dû rivaliser avec une plateforme qui proposait des campagnes plus efficaces car elles étaient alimentées par des données personnelles mal traitées.
Cinq années d’activité à la loupe et plus de 5,281 millions de chiffre d’affaires
L’un des points les plus frappants de l’arrêt est la manière dont les dommages économiques sont estimés. Meta Ireland, responsable de l’activité publicitaire en Espagne, n’a pas fourni de comptes ventilés par pays.. Face à ce manque de données, le juge a recours aux rapports de la CNMC et à d’autres études sur le marché de la publicité en ligne pour calculer le volume de revenus que l’entreprise a pu obtenir en Espagne entre mai 2018 et août 2023. Le résultat dépasse 5,281 millions d’euros.
A partir de ce chiffre, La résolution délimite quelle partie de cette activité aurait abouti dans les médias numériques si l’infraction n’avait pas eu lieu.et fixe à 479 millions le montant que Meta doit verser aux 87 éditeurs et agences apparus.
Au-delà de l’argent, la phrase envoie un message inconfortable pour Meta: Il ne suffit pas de s’adapter après coup à ce que les autorités de protection des données établissent, mais l’utilisation abusive des informations personnelles peut également conduire à des réclamations de plusieurs millions de dollars de la part des concurrents.
Cette décision s’ajoute aux autres amendes et sanctions que l’entreprise a reçues en Europe pour des problèmes de confidentialité et renforce l’idée que la marge d’interprétation laxiste du traitement des données est en train d’être épuisée.
Réactions politiques et horizon de ressources
La résolution intervient à un moment particulièrement tendu entre Meta et le gouvernement espagnol.. Parallèlement à cette affaire, l’Exécutif a accusé l’entreprise de suivi massif et sans autorisation de la navigation mobile et a annoncé que les responsables devront rendre des comptes au Congrès. Dans ce contexte, la condamnation à près de 500 millions renforce le sentiment d’un durcissement du climat réglementaire pour les grandes plateformes.
Du côté politique, certains membres du Gouvernement ont profité du jugement pour insister sur l’idée que aucune multinationale technologique n’est au-dessus des loiset de revendiquer la nécessité d’un modèle numérique européen alliant innovation et garanties.
Quelle est la prochaine étape pour les médias et le marché publicitaire ?
Si la peine est maintenue dans les phases suivantes, l’impact sera double. D’une part, cela signifiera une injection économique importante pour les médias qui plaident en justice depuis des années. D’un autre côté, cela crée un précédent : utiliser les données personnelles dans la limite ou au-delà de ce qu’autorise le RGPD n’est plus seulement un problème pour les régulateurs mais devient également un risque pour les concurrents.
Reste à savoir si cette déclaration se traduira par de réels changements dans la répartition des investissements publicitaires ou par un nouvel équilibre entre médias et plateformes.