Opération Résistance : le jour où une grand-mère a caché deux militaires dans sa grange marque la mémoire du Vercors

Quand la résistance prend racine, une grand-mère et deux soldats : mémoire(s) du Vercors

Bienvenue dans les coulisses de la grande Histoire, celle qui, dans le Vercors, doit autant à la bravoure de ses figures qu’au courage silencieux des anonymes. Plongeons ensemble dans la mémoire de ce « maquis-citadelle » dont chaque grange, chaque sentier, chaque silence, raconte encore l’épopée de celles et ceux qui résistèrent, parfois en cachant deux militaires dans une grange, parfois en guidant une poignée de réfractaires à la lueur des bougies…

La naissance d’un réseau et l’engagement individuel : des trajectoires hors du commun

Le Vercors n’aura pas attendu que les projecteurs du monde braquent leur lumière sur lui pour devenir le théâtre d’engagements héroïques. Parmi ceux qui ont forgé cette résistance, Pierre Rangheard, officier français, illustre parfaitement le destin de ces hommes emportés dans la tempête de l’Histoire. Né en 1910 à Maizières-lès-Brienne, il s’illustre d’abord à Lyon dans le réseau CDM (Camouflage du matériel), sculptant dans l’ombre la logistique qui permettra aux maquis d’espérer tenir.
Dès le 6 juin 1944, il rallie le maquis du Vercors, où il prend la direction de la compagnie responsable de l’équipement et des munitions. Organisateur des dépôts, acteur décisif dans les combats contre l’occupant, il montre que la résistance ne tient pas qu’au fracas des armes, mais aussi à la discrétion de la préparation, à l’art d’être là sans qu’on vous voie.

  • Commandement des équipements stratégiques et dépôts de munitions
  • Actions décisives dans la libération de Lyon et l’enlèvement de tirailleurs sénégalais enfermés à Villeurbanne
  • Engagement au maquis du Vercors contre les troupes allemandes

Claude Falck : de la polytechnique à la clandestinité

Claude Falck, quant à lui, symbolise une époque où l’excellence scolaire précède rarement la vocation résistante. Né au Brésil en 1918, polytechnicien brillant, il traverse la guerre avec la lucidité amère de ceux qui vivent leurs décennies les plus formatrices au rythme des menaces et des privations. Formé à l’Ecole du génie, sa bravoure lui vaut une Croix de guerre dès 1940, après la destruction du pont de Gennes.
La suite ? Après une morne année post-armistice, il multiplie les postes d’ingénieur mais c’est à Grenoble qu’il franchit le Rubicon. Dès 1943, appelé par Yves Farge et Alain Le Ray, il accompagne l’organisation militaire du Vercors, forme les jeunes résistants, fournit matériel et explosifs. Il changera tout, même d’identité, adoptant « Blanchard » pour couvrir ses missions toujours plus risquées.

  • Organisation, formation de jeunes maquisards et apport de matériel
  • Actions sur le terrain dès l’effervescence post-débarquement allié
  • Participation active dans les combats sur le plateau du Vercors

Courage collectif, tragique dispersion et mémoire vive

Rien ou presque n’illustre l’esprit du Vercors plus que ces replis par petits groupes, ces dispersions imposées par le cercle mortel des troupes allemandes, ces moments où la chance commence à différencier les destinées.
Claude Falck et son groupe, encerclés après avoir tenté d’échapper aux lignes ennemies, sont capturés et tués à Miribel-Lanchâtre, le 24 juillet 1944. Sa dépouille, anonyme sur le coup, sera longtemps recherchée par sa famille, soulignant le prix payé par tant de familles engagées dans la Résistance. À titre posthume, Claude reçoit la croix de Combattant Volontaire de la Résistance en 2020, couronnant avec des décennies de retard le courage de ceux qui savaient qu’ils risquaient tout, pour un avenir « d’après ».

Savoir transmettre : l’héritage dans chaque village

Mais le Vercors fut aussi l’affaire des villages. Les réseaux, les granges, la solidarité immédiate ou planifiée contribuent à ces histoires têtues que nul manuel ne saurait épuiser. Du souvenir de ceux qui organisèrent cachettes, dépôts de munitions ou filières de survie, il n’est qu’un pas à franchir jusqu’à l’enseignement aux générations suivantes. Parfois, une grand-mère veille, une famille entière prend le risque. Ce sont les résistances humbles et tenaces qui marquent de leur empreinte la mémoire profonde du Vercors.
Au fil des années, les commémorations et les réhabilitations officielles ne sont pas des fins, mais des étapes d’un devoir vivant : raconter, encore et toujours, le courage d’une société capable, dans l’ombre d’une grange ou face à la violence nue, d’écrire l’une des plus fières pages de notre histoire commune.

Se souvenir du Vercors, c’est se rappeler que la Résistance commence là où l’on se tient debout, d’où qu’on vienne, et se prolonge par la voix de ceux qui transmettent et veillent à ne jamais laisser s’éteindre la lumière au fond des granges silencieuses.