Au cœur du Canada, une découverte fascinante bouleverse notre compréhension des origines de la Terre. Des roches vieilles de 4,16 milliards d’années ont été identifiées sur la côte est de la baie d’Hudson, constituant potentiellement les plus anciens vestiges géologiques jamais observés sur notre planète. Cette trouvaille exceptionnelle, annoncée le 2 juillet 2025, offre un aperçu sans précédent des premiers moments de l’histoire terrestre.
Découverte révolutionnaire dans la ceinture de roches vertes de Nuvvuagittuq
La formation rocheuse qui attire l’attention des scientifiques se trouve dans la ceinture de roches vertes de Nuvvuagittuq, un affleurement situé au nord-est du Canada. Ces roches grises striées ont été soumises à des analyses approfondies qui ont permis de dater leur formation à au moins 4,16 milliards d’années, voire 4,3 milliards d’années selon certains chercheurs.
« Les roches volcaniques ont au minimum 4,16 milliards d’années, mais je soutiens que leur âge le plus probable est de 4,3 milliards d’années », affirme Jonathan O’Neil, professeur en sciences environnementales à l’Université d’Ottawa et co-auteur de l’étude publiée dans la revue Science. « Aucune roche connue n’est plus ancienne. »
La datation a été réalisée grâce à deux méthodes distinctes basées sur la désintégration d’isotopes radioactifs. Ces techniques ont permis de mesurer l’âge du magma ancien emprisonné dans ces formations rocheuses. Si ces résultats sont confirmés, ils pourraient offrir une fenêtre exceptionnelle sur l’histoire primitive de notre planète et les conditions géochimiques qui ont permis l’émergence de la vie.
Pour mettre en perspective cette découverte, voici une comparaison chronologique :
| Événement | Âge (en milliards d’années) | 
|---|---|
| Formation de la Terre | 4,57 | 
| Roches de Nuvvuagittuq (estimation haute) | 4,30 | 
| Roches de Nuvvuagittuq (estimation basse) | 4,16 | 
| Début de la tectonique des plaques | 3,80 | 
| Premières traces de vie connues | 3,70 | 
Méthodes innovantes pour dater les plus anciennes roches terrestres
La datation des roches très anciennes présente des défis considérables. Traditionnellement, les géologues utilisent le zircon, un minéral chimiquement stable sur plusieurs milliards d’années. D’un autre côté, les roches volcaniques de Nuvvuagittuq ne contiennent pas de zircon, ce qui a contraint les chercheurs à employer des méthodes alternatives.
L’équipe dirigée par O’Neil a utilisé la désintégration du samarium en néodyme, qui peut suivre deux voies distinctes :
- La transformation du samarium-146 en néodyme-142, avec une demi-vie d’environ 96 millions d’années
 - La conversion du samarium-147 en néodyme-143, dont la demi-vie s’étend sur plusieurs billions d’années
 
Cette différence significative entre les deux horloges isotopiques a initialement posé problème. L’horloge à longue durée de vie, toujours active aujourd’hui, est particulièrement vulnérable aux perturbations tectoniques qui peuvent altérer la composition isotopique des roches au cours du processus de désintégration.
« Tout ‘traitement’ thermique ou métamorphisme survenu après 4 milliards d’années n’affectera pas vraiment l’horloge à courte durée de vie, mais peut réinitialiser l’horloge à longue durée et provoquer la différence d’âge entre ces deux systèmes », explique O’Neil.
Pour surmonter cette difficulté, l’équipe est retournée sur le terrain pour examiner les sections où le magma provenant du manteau terrestre s’était infiltré dans la croûte primitive. Ces intrusions, nécessairement plus récentes que les roches qu’elles ont pénétrées, ont servi de référence pour établir un âge minimal. Cette nouvelle analyse a révélé que dans ces sections spécifiques, les deux méthodes de datation convergeaient vers le même âge : 4,16 milliards d’années.
Implications pour notre compréhension de l’histoire terrestre et l’origine de la vie
Si des recherches supplémentaires confirment l’âge extraordinaire de ces roches canadiennes, elles pourraient fournir des informations cruciales sur les conditions qui régnaient sur Terre lorsque la vie a commencé à s’y développer. Ces formations géologiques remontent à l’éon Hadéen, une période tumultueuse durant laquelle notre jeune planète, initialement une boule de lave incandescente, a progressivement refroidi et commencé à former des poches de roche solide.
Durant cette période, la Terre a subi de nombreux impacts d’astéroïdes et même une collision cataclysmique avec la protoplanète Théia, qui a arraché un morceau de notre planète pour former la Lune. Ces événements ont façonné la surface terrestre primitive avant que la tectonique des plaques ne commence à remodeler notre monde, il y a environ 3,8 milliards d’années.
« Certaines roches de la ceinture de Nuvvuagittuq se sont formées par précipitation à partir de l’eau de mer. Elles peuvent nous aider à comprendre la composition de nos premiers océans, leur température, peut-être l’atmosphère, et pourraient également abriter les plus anciennes traces de vie sur Terre« , souligne O’Neil.
Cette découverte offre également des perspectives intéressantes pour la recherche de vie au-delà de notre planète. En comprenant mieux l’environnement dans lequel la vie terrestre a pu apparaître, les scientifiques disposeront de nouveaux indices pour guider leurs recherches sur d’autres corps célestes, notamment Mars.
Ces roches canadiennes représentent donc bien plus qu’une simple curiosité géologique – elles constituent un chapitre essentiel du grand livre de l’histoire terrestre, écrit dans la pierre il y a plus de 4 milliards d’années, et que nous commençons seulement à déchiffrer.