Dans nos tiroirs, ils dorment. Sagement, parfois oubliés. Pourtant, nos vieux smartphones ne sont pas de simples reliques du passé numérique : leur valeur et leur impact dépassent largement leur écran fissuré ou leur coque improbable. Un expert tire la sonnette d’alarme : il est temps de regarder nos anciens téléphones autrement !
Un trésor caché dans nos poches (et surtout dans nos tiroirs)
Imaginez : près de 53 millions de Français ont un smartphone collé à la main. Mais combien savent réellement ce que deviennent leurs anciens appareils ? Spoiler : pas grand-monde. « Nos téléphones, ce qu’ils deviennent ? Alors là, aucune idée », admet Christelle, Rennaise de 48 ans. Julien, étudiant, avoue : « Mon ancien portable doit traîner chez moi. Enfin, je crois. »
Or, là où beaucoup voient seulement un téléphone à écran cassé, Erwann Fangeat, coordinateur technique à l’Ademe, voit une véritable mine d’or (littéralement !). « On y retrouve une cinquantaine de métaux différents, dont certains très rares », précise-t-il. Nickel dans le micro, cobalt et aluminium dans la batterie, terres rares pour le vibreur et la caméra, or, argent, cuivre dans l’électronique… C’est la caverne d’Ali Baba à la sauce high-tech.
Métaux précieux, tensions et enjeux écologiques
Si l’on pouvait mettre notre vieux smartphone dans un moulin à rationalité, on verrait tout de suite le problème. Ces composants sont essentiels dans de nombreux secteurs, surtout pour la transition écologique. Oui, oui ! Le même métal qui fait vibrer vos notifications pourrait aussi faire tourner une éolienne ou démarrer une voiture électrique.
Problème : les réserves de ces métaux sont tout sauf illimitées. « On a des durées de disponibilités qui varient de 30 à 100 ans selon les catégories. Donc un risque de pénuries dans les années à venir », alerte l’expert. Et ce n’est pas tout : la plupart des gisements sont contrôlés par une poignée de pays, notamment la Chine, qui détient près de 90 % de la production de terres rares. Si Pékin décide de couper le robinet, l’économie mondiale toussote. Ajoutez à cela les conflits déjà en cours, comme en République démocratique du Congo, principal fournisseur de cobalt, où 40 000 enfants travailleraient dans les mines, au prix de lourdes pertes humaines.
N’oublions pas la facture écologique : émissions de gaz à effet de serre, produits chimiques rejetés… Les dégâts sur l’environnement et les populations locales sont vertigineux.
Vieux smartphone : repli sur tiroir ou deuxième vie ?
Après leur sprint de jeunesse, que deviennent ces précieux appareils ? Souvent, direction la poubelle (grise, malheureusement) ou, plus fréquemment, le fond d’un tiroir. On parle de 113 millions de smartphones inutilisés qui dorment chez les Français, pour cause de nostalgie, d’oubli, ou du fameux « au cas où je casse le nouveau ».
Pourtant, eux aussi méritent une deuxième chance ! Quelques pistes concrètes :
- En panne ? Tentez d’abord la réparation. Un « bonus réparation » est même en place chez les professionnels labellisés QualiRépar, et l’indice de réparabilité est désormais obligatoire à l’achat.
- Fonctionne encore ? Privilégiez la revente ou le don, auprès de proches ou via des structures solidaires comme les ressourceries.
- Hors d’usage total ? Ne le jetez surtout pas ! Déposez-le dans les bacs de collecte au supermarché, ramenez-le chez votre opérateur ou en déchetterie. Vous pouvez aussi utiliser jedonnemontelephone.fr, pour un envoi prépayé. Ainsi, il sera collecté, reconditionné ou recyclé via la filière réglementaire.
Aujourd’hui, le recyclage permet de récupérer 75 % des composants du smartphone, dont une dizaine de métaux rares. Pas mal, mais… pas la solution miracle.
Allonger la vie, réduire l’impact
Ah, le recyclage, ce Graal écologique ? Pas tout à fait. Selon Erwann Fangeat, « les besoins augmentent plus que ce qu’on peut recycler. Ça doit être la dernière des solutions. Le plus important, c’est d’allonger la durée de vie de nos téléphones. »
La raison est simple : la phase de fabrication du smartphone a le plus d’impact sur l’environnement. Entre extraction, montage, transport, chaque appareil a déjà fait quatre fois le tour du monde avant d’arriver chez vous. Moins consommer, c’est aussi alléger la note écologique.
Les constructeurs s’empressent de « verdir » leur production (Apple, Samsung, Huawei…), mais l’expert tempère : « Les industriels n’agissent que lorsqu’ils sont contraints. » Des avancées existent, comme la loi Agec de 2020 et les réglementations européennes, pionnières contre le gaspillage. Pourtant, le secteur du numérique n’est pas encore sur la voie rêvée de l’Accord de Paris.
En toile de fond ? L’inévitable « obsolescence marketing », organisée pour qu’on renouvelle sans cesse nos équipements. Résultat : chaque année, près de 1,5 milliard de smartphones sont vendus dans le monde.
Alors la prochaine fois que vous ouvrez un tiroir et découvrez un vieux compagnon en sommeil, pensez-y : donner une seconde vie à votre smartphone, c’est aussi donner un peu d’air à la planète… et à l’humanité !